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Les juridictions judiciaires demeurent-elles compétentes pour les contentieux relatifs à l’administration de produits sanguins contaminés par des établissements de santé privés ?

Concernant les établissements de santé privés, un contentieux lié à l’administration de produit sanguin restera de la compétence des juridictions judiciaires. Un arrêt de la Cour de cassation le précise tout récemment (Cass. civ. 1, 12 novembre 2015, n° 14-25.889). En l’espèce, à la suite du décès d’une patiente contaminée par l’hépatite C, son époux a recherché la responsabilité de la clinique lui ayant administré les produits sanguins. La victime avait déjà été indemnisé par l’EFS (Etablissement français du sang). Du fait de son décès, il s’agissait à présent d’une autre procédure, menée cette fois par son ayant droit. La clinique a d’une part appelé en garantie l’EFS et l’ONIAM et d’autre part soulevé l’incompétence du Tribunal de Grande Instance au profit du Tribunal Administratif. La Cour d’Appel n’a pas suivi la clinique sur cette exception de compétence. Par suite, la clinique a donc formé un pourvoi en cassation aux termes duquel elle soutenait que toute action tendant à l’indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés par des centres de transfusion sanguine, introduite postérieurement au 3 septembre 2005, relève de la compétence des juridictions de l’ordre administratif, conformément à l’article 15 de l’ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 («  l’article 15 de l’ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 dispose que : « Les demandes tendant à l’indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés par les personnes morales de droit public mentionnées à l’article 14 de la présente ordonnance ou par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l’Etablissement français du sang en vertu d’une convention conclue en application de l’article 18 de la loi du 1er juillet 1998 visée ci-dessus ou dans les conditions fixées au I de l’article 60 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 visée ci-dessus relèvent de la compétence des juridictions administratives quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages dont il est demandé réparation. ») Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation. Elle procède à une dichotomie et précise que les demandes tendant à la condamnation des établissements de santé privés, au titre de l’administration de produits sanguins contaminés, restent bien des litiges devant être tranchés par des juridictions judiciaires. Il appartient donc bien aux juridictions judiciaires, et non pas administratives d’apprécier seules la responsabilité de ces établissements

Qu’est-ce que « le préjudice sexuel » ?

Nous pourrions penser que nous vivons à une époque où le préjudice sexuel n’est plus sensé être tabou. Pourtant, il faut toujours noter une gêne à l’évocation de ce poste de préjudice. Ce préjudice qui pourrait prêter à la grivoiserie, est d’une grande douleur pour les victimes. Il doit être pris en considération et indemnisé à sa juste valeur. Il appartient aux praticiens d’en parler aux victimes, car ce poste devra être évoqué lors de l’expertise judiciaire ou amiable, sans gêne et avec rigueur. Se préparer à évoquer ce préjudice est d’autant plus important que la jurisprudence reste encore fort timorée, malgré les piqûres de rappel de la Cour de cassation.  Le préjudice d’agrément est l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Le préjudice sexuel, lui, comprend tous les préjudices touchant directement à l’intimité, comprenant : – le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, – le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même, qui repose sur la disparition du plaisir lié à son accomplissement, qu’il s’agisse de la perte de l’envie ou de la libido, MAIS AUSSI la capacité physique de réaliser l’acte et/ou d’accéder au plaisir. Ainsi, une atteinte aux membres inférieurs, qui peut rendre impossible ou inconfortable ou encore douloureux l’accomplissement de l’acte sexuel (impossibilité de s’agenouiller par exemple) doit être prise en considération. Il n’est pas rare de constater pour une victime d’accident de la route ayant subi des fractures des membres inférieures une gêne pour la réalisation de l’acte sexuel.  Et la jurisprudence ?  La Cour de cassation a fait sienne la définition du préjudice sexuel de la nomenclature Dintilhac par un arrêt du 12 juin 2010. ( Civ. 2e, 17 juin 2010, pourvoi n° 09-15.842 ) Néanmoins, la jurisprudence continue parfois à assimiler le préjudice sexuel au préjudice d’agrément. On peut citer également cet arrêt de la Cour de cassation (Cour de cassation 2ème chambre civile 28 juin 2012 11-16120) qui affirme encore « Le préjudice sexuel dont la victime demandait réparation devait être indemnisé distinctement du préjudice d’agrément et du déficit fonctionnel. » Comment chiffrer ? Les sommes allouées sont tellement différentes (et parfois discordantes) qu’il est difficile de donner un panel de référence. Pour le chiffrage les tribunaux se réfèrent principalement à deux critères personnels que sont l’âge et la situation familiale de la victime (dernier point que je trouve assez discutable). Il est en revanche tout à fait équitable de ne pas indemniser de la même manière une toute jeune victime et une victime d’âge mûr. Il conviendra de préparer son dossier suffisamment en amont pour que l’évocation de ce préjudice soit étayée et

Le préjudice d’ « impréparation », conséquence du défaut d’information

Quelles sont les conséquences lorsque le médecin n’a pas satisfait à son obligation d’information ? Comment indemniser justement ce défaut d’information ? En matière de défaut d’information médicale, on raisonne en « perte de chance » (exemple : le défaut d’information a eu des conséquences sur le choix d’une intervention chirurgicale qui a eu des séquelles lourdes pour le patient). Si l’information avait été délivrée, le patient aurait pu éviter de choisir cette opération. Il restera à quantifier le pourcentage de « chance » pour le patient de renoncer à l’opération si l’information lui avait été donnée. Mais ce préjudice peut être différent, et s’analyser sous la forme d’un préjudice dit « d’impréparation au risque survenu ». C’est le cas lorsque l’intervention chirurgicale devait (sans qu’aucun autre choix ne soit possible !) être réalisée mais que le patient n’a pas eu le temps de se préparer aux éventuels risques, qui se sont malheureusement produits. Ce « poste » de préjudice vient finalement indemniser le traumatisme psychologique subi par un patient qui n’a pas ainsi pu se matérialiser tous les différents risques encourus et se préparer mentalement à ces possibilités. Il s’agit donc par essence même d’un préjudice très difficile à quantifier. Voir pour exemples : – Conseil d’Etat, arrêt n° 350426 du 10 octobre 2012 « Considérant qu’indépendamment de la perte de chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques encourus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ». – Cour de cassation 1ère chambre civile, pourvoi n° 09-13591 arrêt du 3 juin 2010 : dans cette affaire, le requérant avait été opéré d’un adénome prostatique qui avait eu pour conséquence de le laisser sexuellement impuissant suite à l’intervention. Néanmoins, aucune faute médicale n’avait été commise. La Cour de cassation a considéré que ce manque d’information sur ce risque d’impuissance avait entraîné un

Clauses prérédigées : après le coup de semonce, le coup de grâce !

Depuis des années, la pratique des assureurs étaient de soumettre à la signature des assurés des clauses prérédigées et insérées dans les conditions particulières, valant ainsi déclaration du risque. Cette pratique a déjà connu un coup d’arrêt, qui avait déjà  été abordé dans ce blog, par un arrêt en date du 7 février 2014 de la Cour de cassation. L’arrêt de la Cour de cassation en date du 3 juillet dernier (Cour de cassation 2ème chambre civile 3 juillet 2014 n° 13-18.760) donne le coup de grâce. En effet après le premier arrêt de juillet 2014 qui émanait de la chambre mixte, la haute juridiction confirme sa position, de manière claire (s’il en était encore besoin !). « L’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées auxdites questions ». Voilà donc terminée la pratique des clauses prérédigées. En l’espèce, un conducteur provoquait un accident, se tuait et blessait les passagers de l’autre véhicule impliqué. L’assureur indemnisait les victimes, puis assignait les ayants droit et le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages dans le but de faire reconnaître la nullité du contrat d’assurance automobile et obtenir le remboursement de l’indemnisation. L’assureur considérait en effet qu’il y avait eu fausse déclaration intentionnelle du risque lors de la souscription du contrat : l’assuré avait en effet signé une déclaration pré imprimée par laquelle il reconnaissait ne pas avoir fait l’objet d’une annulation ou suspension de permis pour alcoolémie, ce qui n’était pas le cas. La Cour de cassation a tranché et sanctionné l’emploi de ces clauses prérédigées. Cette position aura deux conséquences : – Pour les contentieux en cours, lorsqu’un questionnaire n’aura pas été produit par l’assureur, la fausse déclaration sera très probablement écartée par les juges. – Pour l’avenir : les assureurs vont devoir plancher ardemment d’une part sur la gestion de toutes les polices non conformes en cours et d’autre part sur la mise en place d’un processus d’adhésion qui répondent aux exigences de la jurisprudence mais soit également gérable sur le plan commercial en terme de rapidité et de

Le droit de visite des grands parents

Dans un contexte familial difficile, il arrive que certains grands parents soient privés de voir leurs petits-enfants. Il s’agit souvent de dossiers extrêmement sensibles, les parents ayant décidé volontairement de couper tout lien avec leurs ascendants. L’article 371-4 du Code Civil dispose que « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non. » La représentation par avocat est obligatoire. Il s’agira d’une procédure devant le Juge aux affaires familiales, mais qui sera saisit par la voie d’une assignation, qui sera délivrée impérativement aux parents titulaires de l’autorité parentale. Une audience devant le Juge aux Affaires Familiales, non publique, aura lieu, permettant aux avocats des parties de plaider. Le dossier sera transmis au représentant du Ministère Public qui rendra son avis. Il s’agit d’une procédure longue. Le tribunal sollicitera par ailleurs bien souvent une enquête sociale avant dire droit. En cas de motif grave, les magistrats peuvent débouter les grands-parents de leur demande. Ce qui comptera surtout, ce sera de démontrer que les grands-parents ont entretenu auparavant des relations régulières avec l’enfant. Il faut également souligner que la médiation familiale a toute sa place dans ce type de dossier, afin de permettre aux parties de renouer le dialogue. Si la demande est accueillie, en règle générale, les grands-parents obtiennent un droit de visite portant sur un week-end ou une journée par mois, outre une semaine pendant les vacances d’été. Parfois plus dans des circonstances exceptionnelles, notamment pour des enfants ayant perdu leur mère. Il peut être ainsi jugé qu’il est important pour eux de conserver des liens forts avec les grands-parents

Je me suis portée caution et l’emprunteur ne règle plus…

Certains principes très simples sont à savoir si la banque vous assigne en paiement. -> interrogez-vous sur le caractère proportionné ou non du cautionnement. Une banque ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus (article L 341-4 du code de la consommation) Attention : l’entreprise cautionnée ne peut intervenir dans l’évaluation des biens de la caution ! L’engagement de caution ne doit être appréciée qu’au regard de ses seuls revenus escomptés de l’opération garantie (CA d’Aix-en-provence, 8ème Chambre C ,24 octobre 2013, Répertoire général : 12/22529 CA de Montpellier, 2ème Chambre 6 mai 2014, Répertoire général : 13/02455 ) Cette question est importante car si le Tribunal constate le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, il le déclarera inopposable. -> La banque ne devait-elle pas me mettre en garde ? La banque est débitrice d’une obligation de mise en garde sur les risques de défaillance du débiteur principal dans son obligation de remboursement qu’elle doit justifier avoir satisfaite. Il incombe à la banque de justifier qu’elle a rempli son devoir de mise en garde à l’égard de la caution dont le préjudice s’analyse en une perte de chance de ne pas s’engager en qualité de caution et, par suite, de ne pas être poursuivie (Cour d’appel de Metz 4 juillet 2013, Répertoire général : 12/00182). Si l’opération financière liée à l’emprunt présentait un aléa certain et donc un risque caractérisé d’endettement, la banque était tenue de vous mettre en garde. La demande de condamnation formulée par la banque à votre encontre au titre du cautionnement sera donc rejetée. -> La banque a-t-elle manqué à son devoir de conseil et à son obligation de loyauté ? La banque est tenue à un devoir de conseil et de loyauté, même (et surtout ?) à l’égard de la caution  (Cass. com., 6 févr. 2007, no 04-15.362, Bull. civ. IV, no 18). Elle engage sa responsabilité en cas de silence (Cass. 1re civ., 8 juill. 2003, no 01-02.664). Ce devoir n’est pas respecté si elle disposait d’informations sur la viabilité de l’opération entreprise. En l’occurrence, lors du montage de l’opération de crédit, la banque pouvait avoir connaissance de documents comptables, dont vous ne disposiez pas. -> La banque a-t-elle fait une erreur en finançant ? Attention ! La caution peut rechercher la responsabilité délictuelle de l’établissement de crédit lorsqu’elle estime qu’il a eu un comportement fautif à l’égard de l’emprunteur en lui octroyant abusivement des crédits ! Vous pouvez donc invoquer la faute de la banque au motif qu’elle a accordé des crédits de façon inconsidérée (Cour d’appel de Bordeaux. 2ème Chambre civile No Répertoire général : 12/0092226 avril 2013 – CA Caen, 2ème Chambre 23 janvier 2014 RG :