Catégorie : Divers

Le constructeur ne doit pas accepter de réaliser des travaux insuffisants

Cet arrêt rappelle, s’il en était besoin, qu’une entreprise ne doit réaliser que des travaux efficaces, et durables. Cour de cassation, 3e civ., 21 mai 2014, n° 13-16.855 Il s’agissait dans la présente espèce de la vente d’une maison. Dans le compromis de vente le vendeur s’engageait à réaliser des travaux de remise en état de la toiture et joignait au compromis de vente un devis de travaux. La vente définitive est intervenue après achèvement des travaux  Se plaignant d’infiltrations, l’acquéreur avait assigné son vendeur ainsi que l’entreprise ayant effectué les travaux. Les deux étaient condamnées, in solidum à indemniser l’acquéreur. L’entreprise faisait valoir dans son pourvoi qu’elle avait proposé deux devis à l’acquéreur : – l’un pour des travaux de réfection complète de la toiture, – le deuxième pour des réparations sommaires, en précisant que « le caractère vétuste de la toiture empêchait toute garantie de ces travaux et qu’il conviendrait d’exécuter les travaux de manière définitive » Son argumentation se résumait donc à affirmer que le maitre d’ouvrage, en annexant dans l’acte de vente le deuxième devis avait accepté délibérément les risques, et l’entreprise aurait pour sa part parfaitement rempli son obligation de conseil. La réponse de la Cour de cassation est cinglante : « Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, sans dénaturation, qu’il appartenait à la société SEP, en sa qualité de professionnelle, de faire des travaux conformes aux règles de l’art et d’accomplir son travail avec sérieux, ce qui n’avait pas été le cas ainsi que cela résultait du rapport d’expertise, et de refuser d’exécuter les travaux qu’elle savait inefficaces, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »  Il était pour le moins spécieux pour l’entrepreneur de venir opposer à l’acquéreur les fautes du maître de l’ouvrage, et notamment son acceptation délibérée des risques !  La seule leçon à tirer de cet arrêt est simple : même en formulant toutes les réserves possibles, un entrepreneur ne doit jamais accepter de réaliser des réparations sommaires et à l’économie, sans durabilité (hors situation de mise en sécurité provisoire d’un ouvrage, dans une situation d’urgence). Si vous ne pouvez faire, ne faites

Quelle responsabilité en cas de diagnostics différents ?

Un diagnostic moins sévère qu’un précédent diagnostic peut-il engager la responsabilité du médecin ? La Cour de cassation  (1ere chambre civile 30 avril 2014 pourvoi N° de pourvoi: 13-14288) a eu à trancher cette année, dans un contexte de diagnostic différents : l’un étant plus « optimiste » que l’autre. Dans une douloureuse affaire, une femme avait consulté un premier médecin : suspectant une tumeur de l’utérus il lui conseillait alors une hystérectomie. Elle sollicite ensuite un autre médecin pour deuxième avis. Au vu de résultats d’anatomopathologie différents, son diagnostic sera alors bien moins sévère. L’hystérectomie n’aura donc pas lieu. La patiente décèdera quelques années plus tard. Le second médecin est-il responsable ? Son époux saisira la Commission de Conciliation et d’Indemnisation considérant qu’il a commis une erreur de diagnostic ayant fait perdre une chance de survie. Il reproche notamment l’absence de « réunion de concertation pluridisciplinaire ». L’expert désigné par la CCI relèvera la difficulté médicale du dossier : la pathologie était rarissime et particulièrement délicate à diagnostiquer. Il ne retient pas la responsabilité du deuxième médecin. La CCI, suivant le rapport d’expertise, rejette la demande d’indemnisation. Le Tribunal de Grande Instance est saisit. Une deuxième expertise est ordonnée et conclura dans le même sens que l’expertise CCI. Les juges de première instance, puis d’appel, rejettent également la demande d’indemnisation. Compte tenu de ce deuxième diagnostic, le second praticien devait-il être automatiquement considéré comme responsable ? La Cour de cassation considère que non, rappelant le principe d’indépendance professionnelle.  En effet, la perte de chance doit s’apprécier au regard d’une faute en se plaçant au moment des actes médicaux qui ont été prescrits et ne doit pas aboutir à une recherche rétrospective des actes qui ont pu être accomplis au regard des suites avérées de la maladie et d’un principe de prudence absolu (Article R. 4127-5 du Code de la santé publique : « Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit »). La Cour de cassation le 30 avril 2014 rend un arrêt de rejet. Le médecin « ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science ».

Accident de la circulation et garde collective du véhicule

En cas de garde collective d’un véhicule, et si aucun conducteur ne peut être considéré comme débiteur de l’indemnisation, les cogardiens victimes d’un accident ne peuvent mener une action judiciaire sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 (cf articles 1er, 2 et 6 de cette loi) Un arrêt avec des faits très particuliers a récemment illustré cette particularité. Les faits : un incendie, provenant d’une fuite de carburant d’une tondeuse autoportée, s’était propagé dans le garage d’un couple, entraînant leur décès. Leurs ayants droit avaient alors agi sur le fondement de la loi Badinter de 1985. La cour d’appel accueillit cette demande : la tondeuse ayant été acquise pendant le mariage des époux défunts, ces derniers avaient tous deux la qualité de gardiens de ce véhicule, lequel était impliqué dans la réalisation du sinistre, et l’accident relevant bien du champ d’application de la loi, considérant qu’il s’agissait donc d’un accident de la circulation. Le Fonds de garantie des assurances forma un pourvoi en cassation, considérant que l’incendie ne pouvait être considéré comme un accident de la circulation, au sens de l’article 1er de la loi de 1985. Pour rejeter la thèse du pourvoi, la Cour de cassation a tout d’abord rappelé qu’une tondeuse autotractée était bien un véhicule terrestre à moteur (cette question avait déjà été tranchée par la jurisprudence !) Enfin, la Cour de cassation a raisonné par analogisme et considéré que la loi de 1985 a vocation à s’appliquer dès lors que le dommage est la conséquence de l’exercice d’une fonction propre à la faculté de déplacement du véhicule terrestre à moteur. Pour la Cour, le sinistre étant dû à une fuite de carburant, c’est bien la fonction « déplacement » qui était en cause et non la fonction « outil » de la tondeuse. Mais c’est la question des cogardiens du véhicule victimes de l’accident qui finalement encourra la cassation ! « (…) en cas de garde collective du seul véhicule impliqué dans l’accident et en l’absence de conducteur débiteur d’indemnisation, les cogardiens victimes et leurs ayants droit ne peuvent obtenir l’indemnisation de leurs dommages en invoquant la loi du 5 juillet 1985 ». Civ. 2e, 22 mai 2014,

Qu’est-ce que la conciliation devant le conseil de l’ordre des médecins ?

Il s’agit d’un préalable à la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire devant le conseil de l’ordre. Selon l’article L 4123-2 du code de la santé publique, il est constitué auprès de chaque Conseil départemental de l’Ordre une commission de conciliation composée d’au moins trois de ses membres. La conciliation a pour but d’éviter la poursuite d’une procédure. Elle peut être acceptée ou refusée par le plaignant mais le médecin mis en cause ne peut la refuser, sauf à vouloir que cette plainte soit directement transmise à la Chambre disciplinaire de première instance. Il appartiendra au président du Conseil départemental de désigner le ou les conciliateurs. Le médecin mis en cause doit être informé de la plainte qui doit lui être transmise en même temps qu’une demande d’explications sur le ou les griefs reprochés. La convocation des parties à la conciliation devant intervenir dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, les éléments de la défense du praticien mis en cause devront être adressés rapidement. Selon l’article R 4123-20 du code de la santé publique, « les parties au litige sont convoquées à une réunion et entendues par le ou les membres de la commission pour rechercher une conciliation ». Si la conciliation est refusée par l’une des parties, un procès-verbal de non conciliation devra être établi. Si le plaignant et le praticien mis en cause doivent être présents à la conciliation, ils peuvent se faire assister, notamment par des avocats. A l’issue de la réunion de conciliation, un procès-verbal devra être établi précisant que la conciliation est totale ou partielle. En cas de conciliation totale, il n’y a pas de suite devant le conseil de l’ordre. Dans le cas contraire, la plainte sera transmise à la Chambre disciplinaire de première instance dans le délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte. Si cette conciliation n’aboutit pas, le Conseil départemental devra transmettre, avec son avis motivé, la plainte à la Chambre disciplinaire de première instance, à qui il appartiendra de statuer sur la

Délicate question du consentement des parents et du traitement médical d’un enfant mineur.

Le Conseil d’Etat, le 7 mai 2014, a été amené à se prononcer sur la nécessité ou non de demander le consentement des deux parents avant de prescrire un traitement à un mineur.   Un médecin psychiatre reçoit une jeune fille souffrant d’une « dépression modérée à sévère ». Elle est accompagnée par son père, divorcé de la mère de la jeune fille, les parents exerçant conjointement l’autorité parentale. Il la reçoit une deuxième fois, accompagnée cette fois-ci par sa mère. Il lui prescrit du Prozac sans avoir cherché à recueillir, auparavant, le consentement du père. La chambre disciplinaire nationale du Conseil de l’Ordre des médecins, le 12 mars 2012, avait confirmé la décision de la chambre disciplinaire de première instance ayant rejeté la plainte déposée par le père de la jeune fille. Celui-ci s’adresse alors au Conseil d’Etat qui lui donne satisfaction. En théorie, la situation est claire ! Le Code de la santé publique (article R 127-42) prévoit que « Sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement.  En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.  Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible ». Le Code civil (articles 372, 372-2 et 373-2), par ailleurs, dispose que :  « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».  « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ». « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ». Dans cette affaire : – Les parents, même divorcés, exerçaient l’autorité parentale – Le médecin se trouvait dans la situation d’un tiers de bonne foi. Pourtant, dans la présente instance, le médecin pouvait en toute bonne foi penser que les deux parents étaient en accord avec le suivi médical. La réponse du Conseil d’Etat peut sembler cinglante. « un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l’égard d’un mineur qu’après que le médecin s’est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement », sauf cas d’urgence, lorsque l’état de santé du patient exige l’administration de soins immédiats. La frontière entre un acte médical bénin et un acte médical usuel semble être parfois en pratique assez mince. Pour le Conseil d’Etat, le traitement par PROZAC n’était pas un traitement usuel. Pourtant, le raisonnement de la chambre nationale disciplinaire était tout autre : elle avait estimé que la condition était, elle, remplie dès lors que l’état de la patiente s’était aggravé entre le 10 et le 12 novembre. Le Conseil d’Etat censure cette appréciation, pour un motif de droit : l’instance disciplinaire n’a pas relevé « les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d’urgence au sens de l’article R. 4127-42 du Code de la santé publique, autorisant l’absence d’information du père de la jeune fille mineur ». Dés lors et en l’absence d’urgence, le médecin doit dés lors être plus que prudent et recueillir le consentement des deux parents. Conseil d’État, 4ème SSJS, 07/05/2014,

Les allocations d’aide au retour à l’emploi s’imputent-elles sur la perte de gains professionnels ?

Par un arrêt récent du 12 juin 2014 (13-18.459) la Cour de cassation précise que NON. Une victime d’un accident était indemnisée après signature d’un procès-verbal de transaction. Elle subissait ensuite une aggravation de son état de santé. La Cour d’appel, afin d’évaluer la perte de gains professionnels actuels déduisait du montant total le montant des allocations d’aide au retour à l’emploi perçues par la victime à la suite de la détérioration de son état de santé. Cet arrêt de la Cour d’appel est cassé. En effet, seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation. Or « en statuant ainsi, alors que de telles allocations non mentionnées par le premier de ces textes ne donnent pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». La Cour de cassation rappelle donc clairement que la liste des tiers payeurs est une liste