Délicate question du consentement des parents et du traitement médical d’un enfant mineur.

Le Conseil d’Etat, le 7 mai 2014, a été amené à se prononcer sur la nécessité ou non de demander le consentement des deux parents avant de prescrire un traitement à un mineur.  

Un médecin psychiatre reçoit une jeune fille souffrant d’une « dépression modérée à sévère ».

Elle est accompagnée par son père, divorcé de la mère de la jeune fille, les parents exerçant conjointement l’autorité parentale. Il la reçoit une deuxième fois, accompagnée cette fois-ci par sa mère. Il lui prescrit du Prozac sans avoir cherché à recueillir, auparavant, le consentement du père.

La chambre disciplinaire nationale du Conseil de l’Ordre des médecins, le 12 mars 2012, avait confirmé la décision de la chambre disciplinaire de première instance ayant rejeté la plainte déposée par le père de la jeune fille. Celui-ci s’adresse alors au Conseil d’Etat qui lui donne satisfaction. En théorie, la situation est claire ! Le Code de la santé publique (article R 127-42) prévoit que « Sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires

Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible ». Le Code civil (articles 372, 372-2 et 373-2), par ailleurs, dispose que :  « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».  « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ». « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ».

Dans cette affaire :

– Les parents, même divorcés, exerçaient l’autorité parentale

– Le médecin se trouvait dans la situation d’un tiers de bonne foi.

Pourtant, dans la présente instance, le médecin pouvait en toute bonne foi penser que les deux parents étaient en accord avec le suivi médical.

La réponse du Conseil d’Etat peut sembler cinglante. « un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l’égard d’un mineur qu’après que le médecin s’est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement », sauf cas d’urgence, lorsque l’état de santé du patient exige l’administration de soins immédiats. La frontière entre un acte médical bénin et un acte médical usuel semble être parfois en pratique assez mince. Pour le Conseil d’Etat, le traitement par PROZAC n’était pas un traitement usuel. Pourtant, le raisonnement de la chambre nationale disciplinaire était tout autre : elle avait estimé que la condition était, elle, remplie dès lors que l’état de la patiente s’était aggravé entre le 10 et le 12 novembre. Le Conseil d’Etat censure cette appréciation, pour un motif de droit : l’instance disciplinaire n’a pas relevé « les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d’urgence au sens de l’article R. 4127-42 du Code de la santé publique, autorisant l’absence d’information du père de la jeune fille mineur ». Dés lors et en l’absence d’urgence, le médecin doit dés lors être plus que prudent et recueillir le consentement des deux parents.

Conseil d’État, 4ème SSJS, 07/05/2014, 359076