Actualités Juridiques

Suppression des tribunaux du contentieux de l’incapacité

Le décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018 est une étape dans la réforme qui bouleverse le contentieux dit « de la sécurité sociale et de l’aide sociale ». Ce décret dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2019 fait suite à la suppression des trois juridictions actuelles de sécurité sociale de première instance. Ainsi 1er janvier 2019 tous les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) vont être fusionnés. Ils seront intégrés dans un « pôle social de tribunaux de grande instance spécialement désignés ». Ce pôle sera donc compétent pour traiter du contentieux général de la sécurité sociale, du contentieux technique – à l’exclusion de la tarification des accidents du travail – et d’une partie du contentieux de l’admission à l’aide sociale. A noter : la CNITAAT disparaîtra. Quelques questions restent encore non réglées : notamment la forme de la représentation. La procédure étant anciennement orale, elle devrait le rester. La question également de la représentation en appel, qui devrait donc être obligatoire, ce qui n’était pas le cas auparavant, et pourrait donc dissuader certains justiciables d’envisager un

Qu’est-ce que le « Préjudice scolaire » ?

Il s’agit du Préjudice SCOLAIRE, UNIVERSITAIRE ou de FORMATION. On voit donc tout de suite que ce préjudice n’a pas vocation à indemniser seulement les enfants qui, du fait d’un accident, ont dû redoubler une classe. Il aura aussi vocation à s’appliquer aux accidents, mais éventuellement également aux salariés qui devaient réaliser une formation, ou aux personnes en recherche d’emploi ! Ce poste de préjudice permet l’indemnisation de : – La perte d’une ou plusieurs années d’étude (ou de formation) – Le retard scolaire (ou de formation) subi. – une modification d’orientation ou la renonciation totale à une formation. Bien évidemment, il faudra impérativement étayer le dossier. Ainsi il conviendra de démontrer au juge qu’un redoublement était uniquement lié à l’accident, et non en raison de résultats scolaires qui étaient déjà bien insuffisants… Il convient également de préciser qu’en cas de changement d’orientation ou de renonciation à toute formation, ce préjudice s’analysera en une perte de chance. A la victime et son avocat de démontrer que la perte de chance est maximum ; en raison par exemple d’une grande assiduité ou de résultats prometteurs. Il faut aussi noter que les magistrats peuvent allouer une seule et même somme pour réparer à la fois le préjudice universitaire et le préjudice professionnel qui en

Puis-je saisir la CIVI ?

Si vous avez été victime d’une agression, on vous a probablement parlé de la CIVI. Je vais tenter de faire un rapide point sur le rôle de la CIVI, et surtout sur les conditions de recevabilité d’une demande d’indemnisation. – Quelle CIVI saisir ? Il y a une CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions) auprès de chaque tribunal de grande instance. La Civi compétente est au choix : – celle de votre domicile, – ou celle du lieu de la juridiction pénale saisie de l’infraction, Si vous êtes Français résident à l’étranger et que les faits ont eu lieu à l’étranger, la Civi compétente est celle du TGI de Paris. – Suis-je concerné ? Si l’infraction a été commise en France, vous pouvez obtenir une indemnisation si vous êtes français, membre de l’union européenne, mais également étranger en séjour régulier. Mais vous pouvez également être indemnisé si vous êtes français et qu’une infraction a eu lieu à l’étranger. L’action est ouverte aux victimes mais également à ses proches subissant un préjudice moral en raison de l’atteinte subie par la victime. L’action est également ouverte aux ayants droits des victimes. – Mon dossier est-t-il recevable ? La CIVI a deux grands champs de compétence : 1. Atteintes graves aux personnes, c’est à dire si les faits ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou totale de travail d’1 mois minimum, ou en cas de viol, d’agression sexuelle, de traite des êtres humains, d’atteinte sexuelle sur un mineur. Pour tous ces cas, l’indemnisation n’est pas plafonnée. 2. si les faits ont entraîné un dommage corporel ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins d’1 mois, ou si les faits sont constitutifs d’un vol, une escroquerie, un abus de confiance, une extorsion de fonds, une détérioration, une destruction, une dégradation d’un bien, Mais dans ce deuxième champ de compétence, l’indemnisation est plafonnée à 4.179 € et les victimes doivent remplir des conditions de ressources. La CIVI est compétente uniquement en cas d’infraction !! Il faut donc que vous ayez été victime d’une contravention, d’un délit ou d’un crime. Peu importe qu’il y ait eu poursuites ou non, mais vous devrez démontrer clairement l’existence de faits constituant une infraction, que cette dernière soit volontaire ou non. Bien évidemment, votre tâche sera bien plus aisée avec un jugement du tribunal correctionnel reconnaissant la personne à l’origine des faits comme étant coupable de tel ou tel délit, mais contrairement à ce que l’on pourrait vous affirmer, cela n’est pas une condition nécessaire. ATTENTION : certaines infractions sont exclues et n’entrent pas dans la compétence de la CIVI : les accidents de la circulation (avec quelques nuances, qui feront sans doute l’objet d’un prochain billet), les accidents de chasse et les actes de terrorisme. – Peut-on m’imputer une faute ? Oui. La réparation peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime. Dans ce cas, il appartiendra au Fond de Garantie de démontrer non seulement que vous avez commis une faute mais également que cette faute a concouru à la réalisation du dommage. – Comment chiffrer mon indemnisation ? ATTENTION : L’indemnisation devant la CIVI est autonome. Si une indemnisation a déjà été fixée par un tribunal, la CIVI est totalement libre de chiffrer. Vous pouvez donc vous affranchir de la décision déjà rendue par une juridiction pénale. N’oubliez pas que tout préjudice doit être chiffré et démontré. Selon la gravité du dommage, je vous conseille vivement de solliciter une expertise judiciaire. Le chiffrage des préjudices n’est pas chose aisée. C’est d’ailleurs là où le rôle d’assistance d’un avocat prend toute son importance. – Dans quel délai saisir la CIVI ? Votre requête doit être déposée 3 ans à compter la date de l’infraction, et en cas de poursuites pénales, le délai peut être prorogé et expirera un an après une décision définitive rendue par une juridiction. Vous avez néanmoins la possibilité de déposer une requête en demandant un relevé de forclusion si vous avez dépassé le délai. Il vous faudra néanmoins justifier de votre incapacité à saisir la CIVI dans le délai imparti. – Comment saisir la CIVI ? La CIVI est saisie par une requête. Vous pouvez saisir seul la CIVI (mieux vaut néanmoins l’assistance d’un avocat, je reviendrai sur ce point). Il n’y a pas vraiment de formalisme; mais vous trouverez un formulaire sur le site service-public.fr. La requête doit contenir : – Etat civil avec nom date et lieu de naissance, domicile – Dates et précisions des circonstances du dommage – Précisions sur les poursuites pénales – Précisions sur le versement éventuel d’indemnités : quand et par qui ? – chiffrage de l’indemnisation A noter : il faut également faire parvenir toutes les pièces médicales mais également les pièces attestant de pertes financières (dépenses de santé restées à charge, pertes de salaire) ainsi que toutes les pièces pénales que vous auriez en votre possession. C’est le ou la secrétaire de la commission qui se chargera de faire parvenir copie des pièces et de la requête au procureur et au fonds de garantie. – Puis-je demander une provision ? Oui et à tout moment. Vous devrez néanmoins démontrer que l’indemnisation ne peut pas être sérieusement contestable. Si vous sollicitez une expertise judiciaire, demandez une provision dans votre requête. – Le fonds de garantie m’adresse une offre… Puis-je refuser ? Le fonds de garantie a un délai de deux mois après le dépôt de la requête pour formuler une offre, et vous disposez d’un délai de deux mois pour l’accepter ou non. Il n’y a aucune obligation, mettez ce délai à profit pour prendre conseil. En cas de silence de votre part, cela sera considéré comme un refus et le dossier suivra son cours. En cas d’accord, il y aura signature d’un procés verbal de constat d’accord, qui sera homologué par la CIVI. – Comment se passe l’audience ? Vous serez convoqué deux mois avant l’audience. Vous pourrez faire parvenir vos observations complémentaires jusqu’à 15 jours avant l’audience. Attention, il y a un vrai débat contradictoire ! Votre contradicteur sera le Fonds de garantie : il sera présent à l’audience et fera valoir son argumentation (qui vous sera également communiquée avant l’audience, par courrier. L’audience a lieu en chambre du conseil Vous ne pouvez pas faire de nouvelles demandes au cours de l’audience, ni produire de nouvelles pièces. Le ou la Présidente fera un résumé de votre affaire, et vous pourrez faire des observations, de même que le fonds. N’oubliez pas que le Fonds est là pour représenter ses intérêts ! Trop souvent dans l’esprit des justiciables, l’audience n’est qu’une formalité. Vous risquez une grave déconvenue si vous ne préparez pas votre dossier. La commission rendra sa décision en premier ressort. C’est le Fonds de garantie qui vous versera les indemnités. Vous pouvez interjetter appel dans un délai d’un mois à compter la notification de la décision. – Dois-je prendre un avocat ? Ce n’est pas une obligation. Vous pouvez saisir seul la CIVI. Un formulaire CERFA est en ligne : Demande d’indemnisation adressée à la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions Les conditions de recevabilité ne sont pas aisées à comprendre. Si vous avez le moindre doute, prendez conseil auprès d’un avocat, car il est bien certain que le fonds de garantie demandera le rejet de votre requête. Par ailleurs, chiffrer son préjudice n’est pas chose facile. Un avocat pourra vous assister et saura précisément vous dire ce que vous êtes en droit d’attendre. Une partie non négligeable des honoraires peut être prise en charge par votre assureur : renseignez vous. Par ailleurs, selon vos ressources et vos charges, vous avez peut être droit à l’aide

le préjudice d’agrément apprécié de façon plus large par la Cour de cassation

Le préjudice d’agrément est l’impossibilité pour une victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs, qu’elle pratiquait avant l’accident. Les assureurs ont une vision très limitée de ce poste de préjudice. La Cour de cassation vient pourtant d’en étendre l’appréciation, en précisant très clairement que ce préjudice d’agrément est également constitué quand il ne s’agit pas d’une impossibilité totale d’exercer une activité antérieure, mais également à la limitation de ce sport, ou loisir. (Cour de cassation 2ème chambre civile 29 mars 2018 17-14.499) En l’espèce, la victime était un sportif assidu, et depuis les faits, ne pouvait pratiquer les sports qu’il affectionnait avec la même intensité (« son état physique l’y autorisant seulement de façon modérée et ne lui permettant plus de viser les podiums, et relevé que les conditions dans lesquelles il continuait à s’y livrer obéissaient désormais à un but essentiellement thérapeutique, c’est à juste titre que la cour d’appel lui a accordé une indemnité au titre d’un préjudice d’agrément »). Cette précision de la part de la Cour de cassation est bienvenue, car il est souvent difficile d’obtenir une indemnisation correcte pour un poste de préjudice souvent

Qu’est ce que la « consolidation » ?

La consolidation est une notion très importante, et parfois difficilement compréhensible pour les victimes qui peuvent confondre cette notion avec la « guérison ». La consolidation est définie comme « le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ». On peut la définir, de manière très basique, comme l’instant précis auquel l’état de santé ne présentera plus d’amélioration. C’est l’instant à partir duquel les dommages de la victime cessent d’évoluer. Très concrètement, après un accident, une victime va devoir peut être subir des interventions chirurgicales, une rééducation… Tous les dommages ne se révéleront pas immédiatement. Puis, s’ouvre une période plus ou moins longue et difficile durant laquelle la victime tente de recouvrer le maximum de ses capacités physiques. Si des séquelles subsistent, et qu’aucuns soins ne sont susceptibles d’améliorer l’état de santé de la victime, la victime sera considérée comme consolidée. Le médecin de la victime pourra lui indiquer qu’elle est consolidée. Il précisera alors la date de consolidation. La consolidation : ouvre le délai de la prescription de dix ans de l’article 2226 du code civil sert de point de départ au délai légal de l’offre d’indemnisation permet de distinguer les dommages provisoires des dommages

Retard de diagnostic et responsabilité médicale : les questions à se poser.

  L’article R 4127-33 du code de la santé publique dispose : « Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés. » Un retard de diagnostic n’est pas à lui seul fautif, s’agissant d’une obligation de moyens. Il conviendra en effet d’étudier si ce retard aurait pu être éviter, plus précisément : examiner si le médecin a mis en œuvre tous les moyens en sa possession, ou s’il aurait pu parvenir avant audit diagnostic. La première question à se poser pourrait être : ce retard dans le diagnostic aurait-il été commis par tout autre médecin, dans les mêmes conditions ? Il faudra réussir à déterminer si un même praticien, devant la même configuration, aurait été également tardé à rendre un diagnostic exact. La deuxième question qui est ensuite à se poser est : existe-t-il un préjudice et un lien de causalité direct et certain entre le retard de diagnostic et le préjudice subi ? Cette deuxième question est également très délicate. En effet, il s’agira de déterminer si le patient aurait pu bénéficier d’une guérison ou d’une amélioration de l’état de santé si le diagnostic avait été posé plus tôt. Il s’agit souvent du douloureux débat qui survient lorsque le praticien a tardé à diagnostiquer un cancer. Le patient a-t-il été privé d’une chance de guérison ? Aurait-il pu bénéficier d’un traitement moins lourd ? Tous ces sujets seront abordées nécessairement lors de l’expertise. Il convient donc d’être vigilant, compte tenu de la complexité de ce type de dossier, et de se poser au préalable toutes ces questions.