Archives : 5 février 2015

Le préjudice d’anxiété : un préjudice aux contours flous ?

Une des affaires « Disthilbène », nous donne l’occasion de nous interroger sur le préjudice d’anxiété. Dans cet arrêt de la Cour de cassation de décembre 2014, une femme avait été exposée au Disthilbène, sa mère s’en étant vu prescrire lors de sa grossesse. La Cour d’Appel a alloué une indemnité au titre d’un préjudice d’anxiété, eu égard au facteur de risque majoré pour certaines pathologies (notamment le cancer du col de l’utérus). Ce risque nécessitant une surveillance accrue, générant une angoisse intense, la Cour retenait l’existence de ce préjudice d’anxiété. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel (Cour de cassation, 2eme chambre civile, 11 décembre 2014 n°13-27.440). Elle a en effet pour sa part considéré que l’existence d’un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent n’était pas suffisamment caractérisée. La réponse de la Cour de cassation peut sembler étonnante. Dans une affaire similaire, la 1ere chambre civile avait pourtant retenu l’existence, non d’un préjudice d’anxiété, mais d’un préjudice moral certain et en lien avec l’exposition et cassé l’arrêt de la Cour qui avait refusé de retenir son existence… (Cour de cassation 1ere chambre civile 2 juillet 2014 n° 10-19.206) Dans le deuxième cas, il ne s’agit pas d’un préjudice d’anxiété mais d’un préjudice moral. Pourtant, il est allégué et argumenté comme tel… Est-ce à dire que la Cour de cassation serait excessivement « sensible » à cette dénomination de « préjudice d’anxiété » ? Serait-elle donc à proscrire des écritures, au profit d’un préjudice moral, plus fédérateur ? Les faits étaient différents, dans la première affaire la demanderesse avait pu mener des grossesses à terme et n’avait pas développé de pathologies, ce qui n’était pas le cas dans la deuxième affaire… Il est envisageable que ces considérations aient influé sur la décision de la Cour, considérant que le préjudice d’anxiété n’était pas insuffisamment distinct du déficit fonctionnel permanent dans la première