Archives : 2 septembre 2014

Application d’une hypothèse de faute inexcusable de la victime non conductrice dans la loi Badinter

 Cour d’appel de Lyon, chambre 6, 27 mars 2014, n°12/07984 Dans un intéressant arrêt de début d’année, la Cour d’Appel de Lyon donne l’occasion de s’attarder une nouvelle fois sur l’épineuse question de la faute inexcusable, mais cette fois pour une victime non conductrice. La loi Badinter du 5 juillet 1985 avait pour but d’améliorer considérablement le droit à indemnisation des victimes. Dans ce but le législateur a œuvré dans deux directions conjointes : l’assouplissement considérable des conditions de l’indemnisation la restriction des causes d’exonération. L’article 3 encadre en effet strictement, dans l’hypothèse des victimes non conductrices, les causes d’exonération en les limitant à deux hypothèses : la recherche volontaire du dommage et la faute inexcusable, cause exclusive de l’accident.  Cette dernière notion laissait toutefois une grande marge d’appréciation à la jurisprudence.  Cet arrêt illustre justement les arbitrages parfois compliqués que doivent effectuer les magistrats.  En l’espèce, un homme a été percuté par un véhicule alors qu’il s’était étendu sur la chaussée d’un chemin communal, en état d’ébriété, pour manifester son désaccord à la suite d’un contentieux avec ses voisins. Devenu tétraplégique à la suite de cet accident, la victime assigne l’assureur garantissant le conducteur du véhicule responsable. Le tribunaldéboute la victime de ses demandes considérant qu’elle a commis une faute inexcusable cause exclusive de l’accident. La Cour d’appel de Lyon confirmera cette décision, faisant œuvre de pégagogie, elle va définir la faute inexcusable, puis fixer un lien de causalité « exclusif » avec l’accident. La Cour a ainsi motivé sa décision, précisant que le caractère volontaire du geste de la victime était confirmé par des témoins. L’existence d’un état d’ébriété aurait toutefois pu faire douter du caractère volontaire de l’acte et de la réelle conscience du danger mais en l’espèce le taux d’alcoolémie de l’appelant n’était pas suffisant pour exclure la conscience de ses actes. Concernant la cause directe de l’accident, constituée par cette faute, la Cour d’appel effectue un raisonnement a contrario et prend soin de caractériser l’absence de toute faute du conducteur ayant percuté la victime, en soulignant notamment que ce dernier roulait à faible vitesse et que la configuration très particulière des lieux attestait de l’absence de toute visibilité lors de l’accident.  Source :